Retour aux articles

Majeurs protégés et garde à vue : validation du rôle pivot du tuteur par le Conseil constitutionnel

Pénal - Pénal
20/11/2025

La conciliation entre les nécessités d'une enquête pénale et la protection des personnes vulnérables est un équilibre fragile. Dans une décision rendue le 3 octobre 2025 (n° 2025-1169 QPC), le Conseil constitutionnel est venu préciser les contours des droits de la défense pour les majeurs protégés placés en garde à vue.

Saisis d'une Question Prioritaire de Constitutionnalité, les Sages devaient trancher un point de droit crucial : le dispositif actuel, qui repose sur l'information du curateur ou du tuteur plutôt que sur la présence systématique et obligatoire d'un avocat dès le début de la mesure, est-il conforme à la Constitution ?

Une conformité sous réserve d'une information complète

Le requérant soutenait que la vulnérabilité du majeur protégé, dont le discernement est par nature altéré, rendait inefficace la simple notification de ses droits. Selon lui, seule l'assistance automatique d'un avocat pouvait garantir un procès équitable.

Le Conseil constitutionnel a rejeté cette argumentation en validant l'article 706-112-1 du Code de procédure pénale. Toutefois, cette validation ne constitue pas un blanc-seing donné aux enquêteurs. Le Conseil impose une interprétation stricte du texte : l'avis donné au tuteur, au curateur ou au mandataire spécial ne doit pas être une simple formalité administrative.

Les Sages précisent que cet avis implique nécessairement que l'organe de protection soit explicitement informé par les enquêteurs de sa faculté de désigner un avocat pour assister le majeur. En transformant ce simple avis en une véritable notification de droits, le Conseil estime que la garantie devient effective.

Des zones d'ombre et une vigilance nécessaire

Si le principe est validé, la pratique soulève encore des inquiétudes légitimes. En effet, la loi autorise un délai pouvant aller jusqu'à six heures pour prévenir le tuteur, voire une absence d'avis sur décision du magistrat en cas de circonstances insurmontables.

Une question demeure en suspens : quid des auditions réalisées avant que le tuteur ne soit prévenu ? Si le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur ces exceptions, la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 2 septembre 2025, que le non-respect des dispositions protectrices causait « nécessairement grief » à l'intéressé.

Il existe ici un paradoxe législatif. Alors que l'assistance d'un avocat est obligatoire lors de la phase de poursuite (article 706-116 du CPP), elle reste facultative durant la garde à vue, pourtant moment charnière où sont souvent recueillis les aveux.

Une vigilance accrue est donc de mise pour les professionnels du droit. En cas d'audition d'un majeur protégé sans avocat et avant l'information effective de son tuteur, il apparait indispensable de soulever la nullité des actes concernés. La conformité constitutionnelle des exceptions permettant de différer l'information du tuteur constitue, par ailleurs, un terrain juridique qu'il faudra sans doute contester à l'avenir.